Les techniques de manipulation du génome sont de plus en plus performantes et laissent envisager une utilisation pour l'<b>extinction délibérée d'espèces </b>par modification de leur génome. Les défis éthiques associés à cette possibilité ont été jusqu'ici très peu envisagés. <b>Science</b> publie <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.adv4045" target="_blank" rel="noopener">les conclusions</a> auxquelles est parvenue une équipe multidisciplinaire (éthiciens, biologistes, philosophes, spécialistes de l'environnement ou de la santé publique, politiciens) qui s'était penchée sur une question aussi abruptement exposée que délicate à résoudre : <i>Alors que l'on accorde une très grande valeur à la biodiversité et à la conservation des espèces, quand et dans quelles circonstances l'éradication intentionnelle d'une espèce peut-elle être justifiée ? </i> Ce dilemme a été exploré et discuté au travers de 3 cas correspondant à des réalités de notre monde : <ul> <li aria-level="1">l'éradication mondiale de la l<b>ucilie bouchère du Nouveau Monde</b> (<i>Cochliomyia hominivorax</i>), communément appelée mouche à viande dont les larves se nourrissent exclusivement de tissus vivants,</li> <li aria-level="1"> l'extinction ou la suppression locale des <b>moustiques Anopheles vecteurs du paludisme</b>,</li> <li aria-level="1"> l'extinction ou la suppression locale d'<b>espèces de rongeurs envahissantes</b>.</li> </ul> Bien que les deux premiers cas représentent des menaces importantes, les signataires de l'<a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.adv4045" target="_blank" rel="noopener">article</a> soutiennent que le recours à la modification du génome pour éliminer une espèce devrait être une <b>action exceptionnelle</b> et soigneusement justifiée, exigeant une réflexion éthique renouvelée sur l'espèce elle-même. Ils soulignent par ailleurs que les valeurs accordées aux espèces envisagées pour l'éradication peuvent refléter des hiérarchies subjectives qui ne sont pas partagées entre les cultures et les contextes, à l'échelle mondiale. Compte tenu des enjeux, les auteurs suggèrent que toute <b>prise de décision</b> se fasse dans le cadre de processus inclusifs et démocratiques qui privilégient la voix des personnes les plus touchées. Et d'ajouter que les décisions devraient être prises de manière à garantir une participation équitable et à <b>éviter de reproduire les schémas coloniaux</b> où le Nord domine les décisions environnementales du Sud. Fasse le ciel qu'ils soient entendus et suivis !