La schizophrénie est une maladie complexe qui concerne environ 1% de la population mondiale et qui affecte globalement la pensée, les sentiments et les émotions. Toutes ces fonctions ne sont pas perturbées au même moment, ni avec la même intensité mais ont le plus souvent un impact tangible sur l’attention, l’apprentissage et le traitement des informations.
La prise d’antipsychotiques adaptés à la forme clinique du patient est la pierre angulaire du traitement.
En période de crise aiguë, ils font régresser les délires, les hallucinations (ils font taire les voix), ils contrôlent les pensées étranges et maîtrisent l’incohérence du langage. En période de rémission, ils permettent de prévenir les rechutes.
Ils n’ont malheureusement qu’une action suspensive et une reprise des symptômes est quasi toujours constatée en cas d’arrêt du traitement.
Plusieurs raisons d’être optimiste
- Après avoir suivi pendant plus de 10 ans des sujets atteints de maladies psychiatriques, des investigateurs de l’université d’Indiana ont réussi à identifier des biomarqueurs prédictifs d’un risque élevé d’hallucinations et de délires et donc d’hospitalisations. Ils ont également montré que certains de ces biomarqueurs prédictifs étaient ciblés par les traitements existants, ouvrant la porte à une approche psychiatrique de précision.
Ces travaux devraient déboucher prochainement sur la mise au point d’un test sanguin qui s’avérerait particulièrement utile pour la schizophrénie, affection particulièrement difficile à diagnostiquer précocement et pour laquelle un traitement approprié d’emblée est le meilleur moyen de limiter les dégâts cliniques, biologiques, psychologiques et sociaux liés à la psychose.
- Toujours à propos de moyen de limiter les dégâts, signalons une analyse rétrospective menée sur les données de plus de 4 millions d’individus âgés de 18 à 75 ans. Ce travail démontre que le fait d’être atteint de schizophrénie va de pair avec une surcroît de risque d’événements cardiovasculaires (composite regroupant infarctus, angor, AVC, défaillance cardiaque, fibrillation auriculaire et embolie pulmonaire).
L’association la plus forte est observée chez les femmes (HR ajusté 1,63 vs 1,42 chez les hommes). Les investigateurs suggèrent que psychiatres, cardiologues et généralistes partagent ces données et mettent en place les moyens de prévention qui s’imposent.
- La prise de conscience de l’effet délétère que peut avoir l’usage inconsidéré (par notamment les media, les politiques, mais aussi tout un chacun) de mots ayant une connotation psychiatrique (schizophrène, parano, autiste, borderline) et qui sont utilisés comme des insultes ou des moyens de rabaisser les individus qui en sont affublés.
Outre le fait que cette pratique trop courante prouve à l’évidence que ceux qui les emploient méconnaissent complètement les problèmes de santé mentale qu’ils évoquent, ils ont un effet désastreux chez les malades qui se sentent stigmatisés et dévalorisés, ce qui retarde ou entrave complètement l’accès aux soins, impacte négativement l’estime de soi et altère profondément les relations sociales.
Fort heureusement, il semble que les choses changent. Quelques exemples en France et au Canada.
L’offre thérapeutique s’améliore
Enfin et c’est sans doute le point le plus important, l’offre thérapeutique s’améliore et se diversifie:
- mise au point de techniques permettant d’assurer une diffusion prolongée, contrôlée et régulière des antipsychotiques, ce qui a un impact positif sur la compliance et donc sur le risque de rechute en rapport avec les arrêts de traitement.
- arrivée prochaine de composés agissant non plus sur la dopamine (antipsychotiques de première génération) ou sur la dopamine et la sérotonine (antipsychotiques de seconde génération, encore appelés atypiques) mais agissant au niveau des récepteurs muscariniques.
Des premiers résultats encourageants avaient été observés avec l’agoniste muscarinique emraclidine, dans une étude de phase 1b
Nous disposons maintenant des résultats de l’essai randomisé contrôlé de phase 3 EMERGENT-2.
Cet essai montre clairement que l’agoniste muscarinique testé (KarXT) réduit de façon significative tant les symptômes positifs (hallucinations, délires, agitation) que les symptômes négatifs (démotivation, apathie, troubles de l’humeur, dépersonnalisation) et que ces bénéfices sont obtenus avec très peu d’effets secondaires de type somnolence, prise de poids et rigidité.
L’édition de The Lancet dans lequel sont publiés ces résultats comporte un éditorial téléchargeable en accès libre et gratuit que nous vous invitons à lire et à méditer car il insiste sur le fait que l’amélioration de l’offre thérapeutique n’est pas la panacée et que la prise en charge efficace des schizophrènes va bien au-delà de la rédaction d’une ordonnance.