Si nous avons une assez bonne compréhension du rôle des troubles du sommeil dans le développement et le maintien des troubles psychiatriques, nous percevons encore mal le rôle des perturbations circadiennes et par conséquent celui des interactions entre les deux types d’anomalies.
Ce qui constitue tout l’intérêt de la revue générale dressée par une équipe internationale dont faisait partie la liégeoise Christina Schmidt faisant le point sur les relations entre sommeil, rythmes circadiens et santé mentale.
Cette revue confirme que l’insomnie est plus fréquente chez les personnes souffrant de troubles de santé mentale que dans la population générale. Ainsi, pendant les rémissions, les épisodes aigus et surtout au début d’une psychose, les difficultés à s’endormir et à rester endormis touchent plus de la moitié des individus. Environ un quart à un tiers des personnes souffrant de troubles de l’humeur ou de psychose souffrent à la fois d’insomnie et d’hypersomnie diurne.
Troubles veille-sommeil du rythme circadien
Les quelques études portant sur les troubles veille-sommeil du rythme circadien suggèrent de leur côté que 32% des patients atteints de trouble bipolaire s’endorment et se réveillent plus tard que d’habitude (syndrome de retard de phase de sommeil). Il a aussi été rapporté des décalages dans des processus biologiques tels que les rythmes du cortisol endogène qui se déroulent sept heures en avance pendant les épisodes maniaques et quatre à cinq heures en retard pendant la phase dépressive. A noter que la normalisation peut être considérée comme témoignage de la réussite du traitement.
Les investigateurs se sont concentrés sur des sujets adolescents et jeunes adultes souffrant de troubles psychiatriques. Périodes de vie où le risque de développer des troubles de santé mentale est le plus important et où les perturbations du sommeil et des rythmes circadiens sont les plus susceptibles de se produire.
De fait, l’adolescence s’assortit en matière de sommeil de changements physiologiques et comportementaux (rester éveillé plus tard, dormir moins en semaine et plus longtemps le week-end). Cette variabilité dans la durée et le moment du sommeil peut entraîner un désalignement entre horloge biologique et rythme veille-sommeil et augmenter le risque de troubles du sommeil et d’effets délétères en matière de santé mentale, indiquent les investigateurs.
Génétique
Mais il faut noter également le rôle de la génétique (les personnes génétiquement prédisposées à une différence réduite de niveaux d’activité entre les phases de repos et d’éveil sont plus susceptibles de souffrir de dépression, d’instabilité de l’humeur et de névrosisme), de l’exposition à la lumière (selon des enquêtes de population, le temps passé à l’extérieur est associé à une probabilité plus faible de troubles de l’humeur) et de la neuroplasticité (le sommeil joue un rôle clé dans la façon dont le cerveau forme de nouvelles connexions neuronales et traite les souvenirs émotionnels) qui sont d’autres facteurs possibles de perturbations du sommeil et des rythmes circadiens.
En guise de conclusion, les investigateurs soulignent la nécessité de reconsidérer les connaissances existantes et d’intégrer les facteurs du sommeil et du rythme circadien impliqués dans la physiopathologie et le traitement des troubles du spectre de l’humeur, de l’anxiété et de la psychose dans une perspective transdiagnostique reconnaissant l’interaction entre ces facteurs.
Vaste programme.
