La découverte de nouveaux antidépresseurs efficaces, sûrs et d’action rapide, est un objectif crucial de la recherche sur la dépression, d’une part en raison de l’impact personnel et sociétal de cette pathologie mais aussi, voire surtout, parce que les traitements habituels ne deviennent efficaces (lorsqu’ils le sont) qu’après une période de latence longue et mal vécue par les patients. Cela pourrait bien changer si l’on se réfère aux données publiées par une équipe de Tours [France] concernant un mélange gazeux appelé MEOPA (Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote : 50% d’oxygène et 50% de protoxyde d’azote). Pour rappel, le protoxyde d’azote (N<sub>2</sub>O) est connu et utilisé en médecine pour ses propriétés analgésiques (auto-expérimentation par le dentiste Horace Wells en 1844) et euphorisantes (<a href="https://medipodcast.eu/wp-content/uploads/2023/09/Gravure-Doctor_and_Mrs_Syntax_with_a_party_of_friends_experimentin_Wellcome_L0022227.jpeg" target="_blank" rel="noopener">d'où son surnom de gaz hilarant</a>). Il est tentant de se dire que c’est de ce surnom qu’est née l’idée qu’un mélange gazeux comportant du N<sub>2</sub>O pourrait rendre plus gais les sujets déprimés, mais ce serait un raccourci pour le moins audacieux. Toujours est-il qu’il a été montré qu’une seule session d’une heure d'inhalation de MEOPA pouvait soulager les dépressifs rapidement et pour au moins 2 semaines. Dans les études concernées la tolérance était jugée globalement satisfaisante, les effets secondaires principaux étant les nausées. Les effets indésirables graves qui ont pu être rapportés semblent concerner uniquement les consommateurs de protoxyde d’azote pur (100% de N<sub>2</sub>O) dans un but récréatif. Cherchant à élucider le mécanisme par lequel l’inhalation du MEOPA pouvait soulager les sujets souffrant de dépression, l’équipe de Tours a évalué les effets du MEOPA sur les connexions cérébrales de patients dépressifs en imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle. En bref, des sujets ayant une dépression résistante ont été exposés à une séance d’une heure de MEOPA, une IRM fonctionnelle ayant été réalisée avant l’exposition puis une nouvelle fois après l’exposition. Parmi les 45% de patients répondeurs au traitement, les expérimentateurs ont constaté une déconnexion très significative d’un réseau cérébral impliqué dans la dépression, le MEOPA provoquait en quelques minutes une sorte “de sidération, d’extinction” d’une hyperactivité du cerveau qui s’accompagnait d’un soulagement rapide de la souffrance dépressive. Ces résultats publiés dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41380-023-02217-6" target="_blank" rel="noopener">Molecular Psychiatry </a>renforcent la crédibilité du N<sub>2</sub>O comme antidépresseur et constituent une étape importante pour la compréhension des mécanismes cérébraux du N<sub>2</sub>O. Les produits à base de N<sub>2</sub>O révolutionneront-ils le traitement de la dépression ? Ils ont en tout cas comme atouts une efficacité rapide, une bonne acceptation par les patients, une bonne disponibilité en soins courants et un profil de tolérance satisfaisant. Et des preuves scientifiques complémentaires sont attendues dans un avenir proche.